L'Empire d'encre et de mots

Une dot mordante (inclus dans le recueil "Sac de kongossas - sac I")

Une dot mordante

Quand je repense au moment où j'ai rencontré Sylvie, elle était encore loin d'être la vicieuse mesquine qu'elle est devenue au fil des années, au point de me faire songer à l'infliger, à elle et à sa famille de sorciers, ce que je leur ai fait plus de dix ans après ce jour maudit où je l'ai rencontrée.
À l'époque, elle avait encore près de dix centimètres de moins, et une naïveté qui la rendait si adorable que j'ai craqué presque depuis le premier regard, comme le disent souvent tellement de chansons. Sylvie Ngono, petite brune posée toujours assise au premier banc, m'avoua qu'elle avait un peu peur de moi depuis le début d'année, puisque j'étais nouveau au lycée de la Cité Verte. Je n'ai jamais eu de grandes facilités dans les études scolaires, mais à chaque classe d'examen depuis mon BEPC, je me débrouillais toujours ‒ moi-même je ne sais comment ‒ pour passer in-extremis l'examen final. De ce côté-là, Sylvie et moi étions aussi différents que le jour et la nuit. Depuis sa maternelle, Sylvie n'a quitté le tableau d'honneur qu'une poignée de fois, ce qui ne rendait ses quatorze ans en début d'année de Terminale A que naturels.
Ayant commencé à accompagner mon oncle Fabrice au marché Mokolo pour me faire de l'argent de poche, il était normal que j'éprouve quelques difficultés à me consacrer comme il se devait à l'école. Et puis, dans le fond, je n'en voyais pas trop l'utilité, excepté faire plaisir à maman, qui rêvait de me voir devenir avocat ou journaliste. Ce qui m'empêchait d'emprunter la voie du droit était l'incompatibilité de mon nom avec cette vocation. Sérieusement, qui prendrait un "Yvan Ndengue" au sérieux, comme avocat ? Pas moi, en tout cas. Ce qui me faisait moins me récrier quand maman parlait de moi en tant que journaliste ‒ ça ne sonnait pas trop mal, comme nom de journaliste ‒. C'est d'ailleurs ce point commun qui me permit de me rapprocher de Sylvie, qui, la première fois que je l'abordai, lisait la liste des noms des rédacteurs du magazine 100% Jeune.
Avec sa tenue trop grande sur son corps fin, ses yeux encadrés de lunettes à monture carrée sur son visage en cœur, et ses petits yeux qui faisaient sans doute fondre une calotte glaciaire en Antarctique à chaque fois qu'elle souriait, je ne l'ai courtisé que moins de deux mois ‒ en chassant aussi souvent que possible, pendant les heures de permanence, sa voisine de banc Fonkoua, pour prendre place près d'elle et prétexter une aide dans une matière ‒ avant qu'on commence à sortir ensemble. En repensant à mon année scolaire 2010-2011, je pense que les centaines de premiers baisers que j'ai échangé avec elle sont mes souvenirs les plus forts de cette époque. Si j'avais eu mon BAC A dans la foulée, sans doute qu'il aurait été ex-aequo, dans le classement de beaux souvenirs. Le destin ‒ ou mon mode de vie trop dissolu ‒ en décida autrement.
Mes mauvais résultats au deuxième trimestre me plongèrent dans une profonde déprime, ce qui fit que Sylvie s'en venait souvent chez moi, puisque je n'avais même pas l'envie d'aller au marché. Quand je pus enfin remonter quelque peu de ma déprime, on reparla d'un point déterminant de nos rêves communs qu'on ne se lassait pas de parler en longueur de journée. Sylvie voulait participer au concours d'entrée à l'ESSTIC en duo avec moi, mais je savais déjà au fond de moi que je n'aurais aucune chance. Ses parents étaient quant à eux contre sa participation, par peur d'une dépense d'argent inutile pour ce concours, si jamais elle échouait son BAC, pour une quelconque raison malheureuse. L'après-midi où elle me confia cette crainte de ses parents, assise sur le haut des marches des escaliers de la maison, son regard pensif, je me souviens avoir eu une intuition brève mais puissante : Sylvie aurait son BAC, et moi non. Une bouffée de jalousie monta en moi, mais je la réfrénai d'autant plus facilement que je savais que mon échec de cette année serait de ma propre faute. Je n'avais pas le droit de l'en vouloir de ne pas échouer avec moi, alors qu'elle se battait jusque maintenant pour que nous passions et cheminions ensemble. C'est alors que je pris une décision qui changerait nos vies.
"Sysy, lui dis-je, tu dois participer à ce concours." Elle quitta le nuage où elle était perchée et me regarda, stupéfaite.
"Tu en es sûr ? Me demanda-t-elle. Et… et si j'échouais ?
— Si tu échoues, tu ne t'en voudras pas dans dix ans de ne jamais avoir essayé. Je sens que c'est ton année.
— Tu ne fais que dire "tu". Je croyais qu'on ferait ce concours ensemble.
— On sait tous les deux que j'ai beaucoup moins de chances que toi de réussir ce concours, Sysy. Je n'ai pas assez étudié cette année, et même si je commence maintenant à me préparer pour ce concours, je doute fort que j'aie assez de temps pour augmenter grandement mes chances de le réussir. C'est un concours. Pas un examen. Je préfère me focaliser sur l'examen. Je te rejoindrai l'an prochain. Au moins pour nous, tu dois avancer. Je ne veux pas être un boulet pour toi, mon cœur."
J'ai oublié de vous signaler quelque chose, mais vous pouvez déjà le deviner à la façon que je l'ai convaincu de participer à ce concours ‒ eh oui, je l'ai convaincu ‒. Je suis quelqu'un de très convaincant. Mon oncle Fabrice me disait souvent que j'aurais pu faire la série C, si j'étais moins paresseux à l'école. Et puisque moins d'une semaine plus tard (à mon anniversaire, le 9 avril), je la convainquis aussi d'avancer la date à laquelle elle avait prévu de me donner sa virginité (en août, après les résultats de l'examen), je ne peux qu'être d'accord avec lui.
Pour clôturer avec les grands évènements de notre première année de mise en couple, Sylvie passa son concours d'entrée à L'ESSTIC et son BAC (avec mention Assez Bien), et moi j'échouai au seul challenge scolaire auquel je participai. Parfois, on aimerait que notre intuition se trompe ; mais pour ça, il faut se donner les moyens de lui donner tort. Sylvie me fit promettre de prendre mon BAC l'an prochain, et je lui fis promettre de n'échouer aucune classe pour m'attendre. Je ne l'avais dit qu'en plaisantant, mais le regard froid qu'elle me jeta sema dans mon esprit des germes de suspicion quant à ses ambitions scolaires. Elle n'en avait pas l'air du premier coup d'œil, mais elle était le genre de fille prête à se séparer d'un homme si jamais il n'avait pas un niveau scolaire adéquat pour être avec elle.
Tout au long de la première année où je redoublai ‒ je vous coupe déjà le suspense, je le fis deux fois ‒, Sylvie se fit de plus en plus distante avec moi, et je ne l'en voulais pas trop. Entre les différentes sessions normales, les activités universitaires et son inscription dans le club de culture de l'ESSTIC, elle avait trop peu de temps à consacrer à des activités amoureuses. Du moins le pensais-je à l'époque. Je lui faisais une absolue confiance, et je pense que la réciproque était vraie. Ce qui ne rendait mes sorties en snack avec mes confrères démarcheurs ‒ ou, comme des clients de mauvaise foi aimaient nous appeler, "apacheurs" ‒ que plus culpabilisantes. Pour ma défense, je dois avouer que j'avais pris le meilleur de mon père là où il fallait ‒ teint brun, grande taille, et une endurance en danse et au lit exceptionnelle ‒, ce qui n'en rendait ma mère que plus furieuse après moi. Mon père l'avait abandonné un matin pour s'en aller en Allemagne, et ne nous envoyait de l'argent que très rarement. Quoiqu'il en soit, j'ai honte de l'avouer, mais je trompais Sylvie comme… eh bien, comme un lion trompe son harem de lionnes. Ce qui ne rendait mon argent gagné que plus éphémère, sans que je donne plus de cinq milles francs par mois en moyenne à Sylvie ‒ parfois en maugréant même ‒. Malgré tout, je fus un peu surpris de ne pas voir mon nom parmi les admis de cette année-là. Je croyais avoir assez étudié, et jusqu'à aujourd'hui, je ne sais pas si c'est un niveau global de ma part plus médiocre que je l'imaginais, un durcissement de la moyenne de passage ou un cumul des deux qui contribuèrent à mon échec. Je n'appelai même pas Sylvie pour le lui annoncer, et était décidé à abandonner l'école. C'est ma mère qui me remit les pendules à l'heure. Si jamais je décidais d'abandonner l'école, elle allait me mettre hors de chez elle. Mes sorties nocturnes avec retour le matin commençaient à l'exaspérer, d'autant plus que je ne participais pas beaucoup aux charges de la maison.
Cette menace ouverte de ma mère me donna une envie forte de devenir indépendant. Et pour l'être, je devais être un homme. En ayant pris des conseils chez les aînés qui m'entouraient, je commençai à plus organiser ma vie. J'avais en tout trois bureaux de plus que mon premier bureau ‒ qui était Sylvie ‒, et je me résignai à laisser Rosa et Dorcas, deux jeunes panthères qui me collaient au train en alternatif, selon les sorties que je faisais. Ces deux ruptures me permirent de plus me concentrer sur Sylvie et Anita, mon autre deuxième bureau, qui ne venait que par saison à Yaoundé, puisqu'elle vivait à Douala. Cette attention particulière pour Sylvie lui fit me surprendre, en m'emmenant un week-end rencontrer sa mère. Maman Linda me signifia très clairement qu'elle espérait que d'ici quelques années, on célèbrerait notre mariage. M'étant préparé en dernière minute pour cette rencontre, je m'étais plié en quatre pour lui trouver une bonne bouteille de Jack Daniel's, qu'elle apprécia beaucoup par la suite, d'après les commentaires que me rapporta Sylvie.
C'est ainsi que l'année de mes vingt ans se couronna, sans que je force, par un BAC A bien mérité. Mon oncle Fabrice, à qui j'avais rapporté bien plus de clients que dans les années précédentes, me donna cent mille Francs CFA pour fêter mon BAC. En ajoutant cela aux autres cent mille Francs que j'avais gardé pour l'occasion, je dois avouer que la semaine qui suivit l'annonce des résultats fut des plus mouvementés. Elle se termina hélas par mon expulsion de la maison.
J'étais retombé dans mes anciens travers, et après une énième soirée arrosée avec mes amis, je m'en vins trouver le matin toutes mes affaires rassemblées près de la porte d'entrée de la maison. Quand j'essayai d'entrer avec mes affaires, j'esquivai à l'instinct deux coups de pilon surprise avant d'en encaisser un troisième qui m'aurait brisé la clavicule si ma mère n'était pas si courte et vieille, et moi si costaud. Elle me vociféra dessus une bonne quinzaine de minutes, ivre de fureur, alors que je m'étais enfui pour m'arrêter une bonne dizaine de mètres de la furie qui se tenait en haut des marches de la maison, sous le regard ahuri et amusé de nos voisins de camp. C'est ainsi que j'allais squatter pour quelques semaines chez Patrick, un camarade de classe qui avait sa chambre hors de la résidence principale de leur maison, et dont les parents, ses oncles et tantes, voyageaient souvent pour leurs affaires.
La rupture avec Sylvie survint en début de septembre, la deuxième fois que je l'invitai à venir passer l'après-midi dans la chambre de Patrick. Elle en avait marre de mon irresponsabilité, et comme je lui avais soumis mon intention d'arrêter mes études cette année, elle me signifia qu'elle ne tolérerait pas un abandon pareil de ma part. C'était elle qui fulminait que je vive chez un ami, et elle qui voulait que je poursuive mes études ? Je n'étais pas Bill Gates, ou Steve Jobs ! Je ne pouvais pas poursuivre deux lièvres, à la vitesse à laquelle je courais ! On décida donc d'un commun accord ‒ après une grosse dispute ‒ de faire une pause. Mais je ne me voilais pas la face. Ma relation avec elle était finie. Elle aurait dû finir là, si je savais comment elle finirait pour de bon par la suite.
En septembre, je m'acharnai comme un forcené dans mes affaires, et un business florissant que je négociais avec un Turc qui cherchait un bon canal de distribution de ses robes au Cameroun finit par rentrer, me faisant encaisser mon premier million de Francs CFA de commission. Autant dire que je ne touchais plus le sol quand je marchais. Je passai le samedi soir de l'encaissement de mon argent à compter et recompter ce million et trois cent mille sur le lit que je partageais avec Patrick, qui était sorti avec sa copine, avec de l'argent de poche que je lui donnai (trente mille francs), en remerciement de son soutien pour moi.
Passée l'euphorie de ce gain fabuleux, je redevins pragmatique. Tout au long de la semaine, je laissai des indices signifiant à mon répertoire ma bonne fortune. J'achetai de nouvelles chaussures à ma petite sœur et ma mère, offrit quelques bouteilles de vin à des oncles stratégiques et à ma grand-mère. J'envoyai par le biais d'une cousine de Sylvie qui vivait dans leur maison familiale ‒ Kimberly ‒ une nouvelle bouteille de whisky à la mère de Sylvie. Oui, je l'aimais encore, je l'avoue. Et elle me manquait. Elle me recontacta le soir de ce cadeau, en me demandant où était aussi son cadeau. Le week-end de cette semaine-là, nous refaisions l'amour trois fois dans une chambre d'un hôtel (elle avait toujours rêvé de le faire une fois dans sa vie), avant que je la laisse repartir avec cinquante mille francs de main levée. Elle n'en crut pas ses yeux.
Quand je fis le compte de mon pécule et que je vis qu'en moins d'un mois j'étais déjà tombé sous la barre des cinq cent mille francs, je compris que je risquais fort, à ce rythme, de ne rien faire avec cet argent. Avec Sylvie, on opta pour un studio moderne au niveau du Cradat, que la copine de Patrick ‒ que j'appelais "ma bs préférée" ‒ nous trouva par le bouche-à-oreille. Le week-end de mon déménagement, elle prétexta un mariage auquel elle était invitée par une amie proche pour venir passer sa première nuit avec moi. Elle s'excusa pour son attitude enfantine qui avait failli entrainer notre rupture, et je m'excusai de l'avoir mal parlé ce jour-là. Entre deux centaines de baisers, elle parvint je ne sus comment à me faire promettre que je reprendrais mes études dès le second semestre. Les promesses faites au lit sont les plus dangereuses, je le savais. Je tombai pourtant dans ce piège comme un puceau.
Quand quelques mois plus tard Sylvie obtint sa licence en journalisme, j'étais là à sa soutenance ‒ comme son père n'avait pas pu se libérer ‒, et j'offris à boire à tout l'entourage qui s'était déplacé pour la soutenir. Je m'étais déjà forgé une solide réputation dans le domaine des démarcheurs de Mokolo, et certains me proposaient même déjà des associations pour ouvrir ma propre boutique de vente de vêtements et accessoires de mode. Mais j'aimais bien ma routine actuelle, et ouvrir une boutique m'aurait trempé dans de la paperasse, chose que je n'ai jamais vraiment apprécié.
Sylvie commença à vivre avec moi dès le mois d'octobre 2014. Elle dit à ses parents qu'elle vivait avec une amie (sa cousine Kimberly appuyant ses dires) pour cette année, pour économiser les frais de transport pour l'école, mais aussi pour alléger la maisonnée, maintenant que tous ses petits frères et sœurs étaient au secondaire. Un mois plus tard, maman Linda nous rendit une visite inopinée en mon absence, un week-end. Ça ne l'empêcha pas de découvrir le pot-aux-roses de la vraie identité de la "colocataire" de Sylvie, qui stressait à l'idée que maman Linda nous trahisse chez son mari et père de Sylvie. Elle n'en fit pourtant rien, et quand Sylvie lui demanda la raison de son silence, elle lui répondit que c'était parce qu'elle m'aimait bien. Moins de trois mois plus tard, pendant les fêtes, je faillis bien faire briser ce bel équilibre en éclats, à cause d'Anita, mon fameux deuxième bureau de Douala.
Anita était venue à Yaoundé pour fêter pendant les congés de Noël avec moi. Comme j'avais anticipé cette visite, j'appuyai l'envie de Sylvie de partir fêter avec sa famille. J'allais profiter de la sortie de la tigresse pour inviter la lionne dans ma tanière. D'ailleurs, la comparaison entre les deux femmes dans certains domaines était inutile. Si en terme d'intelligence Sylvie représentait un gratte-ciel, Anita devait être plus près d'une case en briques avec un étage de consolation (elle avait arrêté l'école au BEPC après quatre essais, et travaillait dans un salon de coiffure). Mais en termes de sagesse ou de compétences érotiques, les superlatifs s'inversaient pour chacune. Il n'y a qu'en beauté qu'elles s'équivalaient un peu, le temps ‒ et sans doute mes bons soins ‒ ayant doté Sylvie d'un derrière appréciable en plus de son visage agréable à regarder, là où Anita était plutôt passable au regard, mais plus que gâtée au niveau des amortisseurs avant et arrières.
Tout ça pour dire que je passai la semaine de la visite d'Anita à m'envoyer en l'air, déjeuner, aller à la foire, puis en boîte pour terminer au lit, tout ça en la compagnie de ma Douala de luxe. C'est le jour où elle rentrait à Douala, et que je portais ses bagages ‒ anciens et nouveaux ‒ pour la raccompagner, que Sylvie me croisa alors que je mettais Anita dans le taxi. Pas pudique pour un sou, Anita exigea un baiser d'adieu. Voyant Sylvie qui m'attendait à quelques mètres de là, je devinais déjà qu'elle devait être au mieux curieuse, au pire furieuse. Coupant la poire en deux, je choisis de faire une bise chaste sur la joue d'Anita.
"Seulement ? Me demanda Anita.
— Ani, fis-je, l'air gêné, on est en route !
— Hum… tu es un gars suspect, toi", me dit-elle en se décidant enfin à entrer dans le taxi, permettant à mon cœur de remonter à moitié dans ma poitrine.
En revenant vers Sylvie, je devinai qu'elle n'avait pas été dupe. Depuis qu'on était ensemble, c'était la première fois que mon cœur battait à l'idée qu'elle m'attrape en flagrant délit d'infidélité. D'autant qu'excepté un rangement de forme, je n'avais pas eu le temps de vérifier qu'Anita n'avait pas laissé une de ses affaires chez moi. Moins de quinze minutes plus tard, des minutes de longues explications ‒ je mentis à Sylvie qu'Anita était une cousine de Douala, malgré son insistance sur des raisons qui justifiaient le fait que je ne les avais pas présentés mutuellement ‒, Sylvie trouva un préservatif peu usé sous le lit.
Je vous ai déjà parlé de mes talents de persuasion, je pense. Je pense aussi que ce lundi 29 décembre 2014, je dû abuser de la moitié de mes crédits persuasion pour faire avaler à Sylvie que ledit préservatif était celui de mon ami Patrick, qui avait soi-disant dormi chez moi, traversant les instructions qu'elle m'avait donné de ne pas laisser un de mes amis souiller notre foyer conjugal. Bien sûr, elle appela Patrick. Bien sûr que, simulant une envie pressante, je dû envoyer un message urgent à Patrick pour éveiller son cerveau parfois pas très vif dans certains modèles (je lui envoyai "Sysy va t'appeler. Accepte seulement tout. PARDON !!!"). Et bien sûr que Patrick prit le blâme pour moi, sauvant certainement mon couple. Tout du long, je jouais le blasé, mais mon cœur avait quitté sa poitrine depuis de très longues minutes pour rejoindre la contrée des condamnés, me laissant vide le temps que l'ouragan Sylvie me traverse. Elle était cent pour cent béti, avec tout le tempérament y afférant, tout comme moi. Elle finit par se calmer, mais je la sentais encore bouillir de l'intérieur, et je me jurai que si jamais je me tirais indemne de cette infidélité, ce serait la dernière de toute ma vie. Il est des émotions de terreur non affichée que je doute fort qu'on puisse les vivre deux fois dans une vie sans avoir un AVC, et je ne voulais pas battre le record de précocité de mort par AVC d'un infidèle.
Ce lundi 29 décembre 2014 marqua donc le dernier jour où je trompai Sylvie. Si j'avais su plus tôt quelle surprise elle me réservait depuis toutes ces années, je ne me serais jamais retenu de la tromper durant tout ce temps. Je n'aurais jamais autant regretté de l'avoir fait toutes ces années. Mais on ne peut pas changer le passé, et ce revirement salutaire de ma part à cette époque a aussi contribué à faire de moi l'homme que je suis, maintenant.
Sans mon changement de mode de vie, je ne suis pas certain que mon oncle Fabrice aurait fait de moi le responsable principal de sa première boutique de Mokolo, pendant qu'il en ouvrait une nouvelle au niveau du Marché Central, après les ventes exceptionnelles que nous fîmes pendant quelque temps, grâce à moi et mon idée de déploiement inédit de nos activités sur le numérique.
La même année 2016, Sylvie obtint son Master en journalisme. À cette soutenance-là son père était là, et je ne me défilai pas malgré l'annonce de sa présence. Je me présentai comme un ami de sa fille, mais Sylvie me reporta plus tard que maman Linda, dans son euphorie, parla de moi à son mari. Ce dernier attendait maintenant que je cesse de jouer aux bandits avec sa fille, et que je vienne me présenter comme un homme. Je devais donc franchir au plus vite l'étape du Toquer-porte, pour montrer à papa Rodrigue que j'étais engagé avec sa fille. Elle me confirma que je devais aussi le faire pour légitimer le fait qu'elle dormait avec moi. Le fait de mentir à son père qu'elle dormait en colocation avec une amie imaginaire la gênait.
Je me préparai d'août 2016 à février 2017, et quand je m'en vins avec mes proches qui avaient aussi plus ou moins mis la main à la pâte pour m'aider à assurer lors de cette visite officielle, ce fut avec une pompe digne de certains mariages que je me présentai auprès de la famille de Sylvie, même comme tous ses frères et sœurs, ainsi que maman Linda, me connaissaient déjà depuis des années, ne serait-ce que par le biais des cadeaux que je leur envoyais par le biais de Sylvie ou de ma belle-sœur préférée, Kimberly ‒ ou Kimi, comme on la surnommait ses proches, dont j'en faisais partie depuis longtemps ‒.
Un an plus tard, Sylvie retournait chez ses parents, sous le motif que je l'avais trompé.
J'avais embauché une secrétaire qui faisait aussi office de caissière, afin de rendre la boutique plus attractive. Oscarine était belle, mais je n'avais pas validé sa candidature sous ce seul motif. Elle avait le CV le plus fourni de toutes les postulantes, en plus d'être bilingue. Sylvie niait que c'étaient toutes ces compétences qui nourrissaient à tort sa jalousie pour Oscarine, mais je sais que c'était de ça qu'il était question. Il a donc suffi qu'un voisin de boutique lui souffle qu'il me soupçonnait de sortir avec Oscarine, couplé à un appel nocturne d'urgence de sa part, auquel je raccrochai sans répondre, pour faire sortir Sylvie de ses gonds et me laisser planté à six heures du matin, en bermuda, après une nuit de chamaillerie qui me prenais d'autant par surprise que pour cette fois, j'étais innocent. Je mettais souvent mon portable en mode avion avant de dormir, sauf quand j'étais trop fatigué pour me rappeler de le faire, comme le fameux soir de l'appel d'Oscarine. Il s'avéra qu'Oscarine m'appelait pour m'annoncer la mort de son père sur le front au Nord-Ouest, après que je l'avais demandé de me tenir au courant de l'avancement de son état de santé au quotidien, par sollicitude. Elle-même avait oublié dans le feu de l'action de reporter mon appel, et si j'avais été en mode avion comme d'habitude, elle aurait compris son erreur. Et moi, en ne voyant pas la boutique ouverte le matin comme d'habitude, je l'aurais appelé pour savoir la raison de son absence, et j'aurais été informé. Mais parler de ce qui aurait pu se passer à cause d'un simple oubli ne justifie pas la réaction explosive qu'eut Sylvie à cet appel. Ce n'est que quelque temps plus tard, bien trop tard, que j'aurais compris que depuis un certain temps déjà, elle cherchait un prétexte pour se séparer de moi, tout cela avec la complicité de sa mère.
Je prenais des nouvelles épisodiques de Sylvie par le biais de ses sœurs qui venaient me rendre visite à la boutique, mais même Kimy gardait plus de distance avec moi que de coutume. Un après-midi où elle rentrait d'un marché, accompagnée de Sylvie, elle prétexta un oubli de dernière minute pour venir me rendre visite. Je lui offris trois robes et trois paires de ballerines, dont une paire et une robe à offrir à Sylvie. Insistant pour savoir comment allait Sylvie, elle me lança un drôle de regard un long moment, avant de secouer la tête :
"J'ai vraiment pitié de toi, dit-elle enfin. Mais dans la situation actuelle, je ne sais vraiment pas quoi faire pour toi.
— Dis-lui que je l'attends toujours, dis-je alors qu'elle sortait.
— Je ne suis pas sûr que ça servira à quelque chose, mais je vais quand même transmettre."
Ce n'est que bien plus tard que je saurai, toujours de sa propre bouche, qu'à ce moment-là déjà, elle voulait déjà tout me dévoiler pour André. Mais sa situation précaire de sœur de Sylvie avait primé pour elle sur ses propres sentiments pour moi, qui n'étaient pas aussi fraternels que moi je l'imaginais de mon côté.
Étant célibataire à l'époque, je voulus donc mettre en forme le Diable que Sylvie avait dessiné dans notre couple, et commençai à courtiser en sourdine Oscarine, pour avoir quelqu'un pour réchauffer mes draps. Mais la sorcière finit par m'avouer qu'un temps, elle aussi était attirée par moi, mais qu'elle avait fini par jeter son dévolu sur un de nos riches clients, qui voulait se fiancer avec elle dans quelques mois. Ne voulant pas jouer les gâcheurs de ménage, je préférai ne pas insister, et nos rapports restèrent professionnels.
Je me préparais à me chercher une nouvelle petite pour les fêtes, avec l'aide de Kimy, quand Sylvie m'écrivit pour m'annoncer qu'elle avait reçu son premier salaire à son emploi dans une radio locale, et voulait le fêter avec moi si j'étais d'accord, comme une sorte de remerciement pour les années passées à la soutenir. Voilà qui chamboulait mes plans, mais ce n'était pas moi qui allait m'en plaindre, vue la promptitude avec laquelle je lui répondis que j'acceptais son invitation. Et c'est ainsi qu'à petit feu, nous recommençâmes notre relation au fil du mois de décembre, au point qu'on fêta un magnifique Nouvel An ensemble.
Ce temps que je fis sans elle dans ma vie me montra à quel point je voulais bâtir ma vie avec elle, et c'est ainsi que dès le Nouvel An, je demandai la liste de la dot de Sylvie à sa famille, qui me la fit parvenir deux mois après. C'est ainsi qu'au long de l'année 2020, je rassemblai, avec l'aide de ma famille, les différents éléments qu'on me demanda dans la dot, qui était plutôt légère, par rapport à certaines dots chez les bétis. Mais plutôt lourde pour un débrouillard comme moi. Je parvins en octobre à organiser la dot de Sylvie, et avec l'aide de plusieurs amis et oncles, j'en avais même encore suffisamment pour faire un mariage de mairie, puis d'église. Faire les trois mariages africains revient moins cher et moins pénible quand on les mélange ensemble, mais Sylvie, qui était d'accord avec moi en début d'année pour le faire, commença à manifester pendant les vacances des doutes, et à évoquer des prétextes divers : n'était-ce pas trop de dépenses en un seul coup ? Est-ce que c'était bien d'autant surcharger les familles avec autant de cuisine et d'organisations en des délais aussi serrés ? Ces remarques venant d'une femme qui me surprit en n'y mettant pas beaucoup du sien pour m'alléger dans le versement de la dot éveillèrent des doutes en moi aussi. Mais comme les mariages viennent d'un consensus commun, je ne pouvais pas l'obliger à tout faire d'un coup. Peu après la dot, Kimy me confia que Sylvie avait voulu faire que sa famille reporte la dot, mais comme on l'avait déjà annoncé à plusieurs oncles et tantes, c'était très compliqué de le faire. Sur le coup, je crus que ce n'étaient que commérages. La suite me prouva que non.
En milieu du mois de décembre de cette année-là, Sylvie me surprit en me demandant qu'elle voulait rompre nos fiançailles. Je n'y comprenais rien, et bien entendu, je refusai de le faire si elle ne me donnait pas les raisons de sa décision. Elle se contenta de rassembler ses affaires et de quitter la maison, restant vague sur ce qui motivait sa décision.
"J'espère que tu vas me pardonner un jour", me dit-elle en guise d'adieu.
Quelques jours plus tard, Kimy vint me rendre une visite qui chamboula mon monde, et surtout Sylvie tels que je les connaissais. Deux heures plus tard, je répondais au premier appel de Sylvie depuis son départ pour lui dire que je ne la pardonnerais jamais de ce qu'elle m'avait fait, et que si jamais je la voyais encore un jour, je la tuerais.
Sylvie, du temps où elle entra à l'ESSTIC, rencontra un certain André Etoundi lors de leur cérémonie de parrainage. Il devint son parrain scolaire, mais ce n'était pas que ça, puisque quelques mois plus tard ‒ des dires de Kimy, puis de ceux de ses rares amis de fac qui consentirent à me parler de cette phase de la vie de Sylvie ‒ ils se mirent en couple. Tout ça à mon insu. Châtiment divin ou humain pour me punir de mes propres infidélités de l'époque, ou simple fourberie naturelle de Sylvie ? Je n'en sais rien. Je doute fort néanmoins que Sylvie m'ait soupçonné de la tromper à l'époque, puisque je savais comment elle réagissait quand c'était le cas. Elle aimait juste jouer sur deux tableaux, quand l'occasion adéquate se présentait. Et avec cet André, fils de bobos, intellectuel à souhait qui avait obtenu une bourse pour une école en Belgique, où il s'en alla en 2013 ‒ durant la période qui précéda la fin de notre pause de couple de l'époque ‒, elle avait décroché le jackpot. Le meilleur parti parti, Sylvie opta pour le pauvre bougre qui l'aimait comme un fou, et c'est comme ça que je continuai à vivre avec elle, sans même soupçonner qu'elle me trompait.
Kimy m'assura que Sylvie avait rompu tout contact avec André entre son départ et la fin de l'année où elle obtint son Master. C'est à partir de là que Kimy elle-même remarqua, pendant les congés de Pâques l'année suivante ‒ en 2017 ‒, le temps anormalement long que Sylvie passait au téléphone. Elle lui confia alors tout de cette idylle que l'océan avait rompue, et malgré les insistances de Kimy, lui assura qu'elle ne s'était pas remise en couple avec André, qu'ils n'étaient que bons amis, même comme André voulait revenir dans sa vie. Ses divers dons monétaires qu'il lui faisait depuis les fêtes de fin d'année 2016 parlaient plus que mille insinuations. Sylvie résista donc à ses assauts. Du moins, pour un temps.
Leur relation reprit peu après notre dispute à propos de l'appel d'Oscarine, et c'est durant cette période qu'il lui fit part de son retour au pays pour l'épouser et repartir avec elle si possible. Plus tard cette-année-là, quand Sylvie découvrit un enfant qu'André avait eu avec une congolaise en Belgique, elle rompit à nouveau avec lui, et se servit de son dernier dépôt d'argent pour m'emmener au restaurant, en me mentant que c'était l'argent de son premier mois de travail.
C'est moins de deux ans plus tard, quand André lui annonça l'imminence de son retour au pays pour la chercher, après lui avoir assuré que son premier fils n'était en rien un frein à leur relation puisqu'il ne vivait pas avec la mère de l'enfant, que Sylvie se remit à nous mettre sur une balance. Au début, elle ne le crut pas, mais maman Linda la conseilla de réfléchir à son avenir comme si l'éventualité de ce retour était vraie. Si vous vous demandez comment maman Linda savait pour l'existence d'André, je découvris aussi par les dires de Kimy que maman Linda connaissait André bien avant moi. Sylvie l'avait emmené une fois chez eux, moins d'un an après qu'ils commencèrent à sortir ensemble.
Et la dernière révélation concernait l'endroit où était partie vivre Sylvie en me laissant comme elle l'avait fait. Son nouveau fiancé, André, avait loué pour eux un appartement chic au quartier Tsinga, où il comptait vivre avec elle le temps qu'il resterait au pays, puis assurer les frais de location une fois par an, une fois qu'il s'en irait, après avoir bouclé leurs mariages.
S'il pouvait y avoir mariage. C'est que, Sylvie et sa famille de sorciers avaient commis une grossière erreur, en acceptant la dot que j'avais donné pour elle. Et maintenant, ils voulaient tous rattraper cette erreur en… quel terme utilisa maman Linda en m'appelant, en janvier 2021 ? Ah, oui… en me remboursant la dot, par du cash versé par André. Comme un berger rachète une chèvre auprès d'un autre pauvre berger, en fait.
Je lui donnai du mou, et proposai même une rencontre entre nos deux familles, avec cet André, afin qu'on puisse négocier au mieux ce fameux remboursement. Vu la situation délicate, ils ne vinrent pas aussi nombreux que lors de la dot de Sylvie, et pour des soucis personnels que vous interpréterez vous-mêmes par la suite, je n'invitai que mon oncle Fabrice ‒ qui était au moins aussi en colère que moi par rapport à cette situation, sans le voiler ‒ et deux autres amis pour être avec moi ce jour-là. Et Sylvie s'en vint dans la maison de mon oncle Fabrice. Sans se rendre compte de ce que nous leur préparions.
Mon oncle Fabrice avait un énorme Rottweiler, méchant comme une teigne, qui était toujours enfermé dans sa cage en fer en journée quand il devait accueillir des étrangers, et qui ne me reconnaissait, moi et mes deux amis que j'invitai le fameux jour que parce qu'on s'en allait certains samedis courir avec lui pour lui faire prendre l'air, mais aussi et surtout parce que Loïc, l'un de ces amis, était son ancien propriétaire, qui l'avait vu naître. Patrick quant à lui était aussi en danger si jamais il ne respectait pas certaines consignes, aussi il était très anxieux quand il s'en vint à ce rendez-vous. Son anxiété ne dépassait pas sa curiosité de voir ce qui allait se passer le jour des fameuses négociations.
Dragon, comme s'appelait le fameux chien, avait à son actif une douzaine de meurtres de chats, neuf attaques à dents armées avec deux évacuations critiques et une réputation de chien le plus dangereux du quartier. S'il ne vous reconnaissait pas et que vous franchissiez le portail de sa maison, Dragon n'aboyait pas comme les cabots le faisaient, d'habitude. Il se contentait de se redresser dans sa cage et de vous lorgner d'un regard lourd de sous-entendus. Si jamais vous veniez un jour où on ne l'avait qu'enchaîné à un piquet planté près d'un mur de la cour de la maison, il vous fonçait dessus comme un météore et ne lâchait un grognement sourd que lorsque la chaîne qu'il trainait arrivait en bout de course et le projetait violemment en arrière, vous sauvegardant d'une série de morsures profondes, avec potentielle mastication de vos chairs comme si vous étiez une proie déjà morte. Ladite chaîne se coupait parfois, quand il l'avait assez usée, ce qui imposait à tonton Fabrice de la remplacer aussi souvent qu'il s'en souvenait. Quand il s'en souvenait.
Sylvie s'en vint avec son père et sa mère, et entrèrent sans se douter de ce qu'on leur réservait. Dragon dans sa cage ne lâcha qu'un grognement bas comme le moteur d'un camion, seul signe de sa présence derrière la cage en fer, puisqu'il était dix-huit heures passées et que tonton Fabrice n'avait pas encore allumé dehors. Loïc ferma la marche derrière eux, et nous entrâmes tous dans le salon, après que j'eus échangé un long regard avec Loïc, qui secoua la tête. Je grognai entre mes dents et entrai en réprimant mes émotions primaires du mieux que je pus.
Autant vous épargner les détails de cette négociation, puisqu'elle tourna au vinaigre bien assez tôt. Je ne me souviens plus à quel moment précis je me jetai sur Sylvie, mais André avait dû deviner mon intention depuis le début, car il m'intercepta avant que je ne lui balance mon deuxième coup de poing. Il me cueillit avec un puissant uppercut qui, si j'étais moins alimenté à la colère, m'aurait fait voir des étoiles. Je voulus répondre à ce binoclard avec un coup en plein nez, mais papa Rodrigue me bouscula sur le côté, juste avant que Fabrice ne le plaque lui aussi au sol. Malgré notre supériorité numérique, je m'étais assez bien renseigné sur André pour savoir qu'il était plutôt bien avancé en karaté et boxe, ce qui fit bien assez vite basculer la bagarre à leur avantage, d'autant plus qu'une fois Patrick parti se réfugier dans la chambre et Loïc sorti ouvrir la cage de Dragon, on se retrouva quelque temps à deux contre quatre. Quand Dragon entra dans la danse, Sylvie et compagnie comprirent dans quel merdier ils se trouvaient. Il mordit maman Linda en premier, alors qu'elle donnait des coups de pied aux côtes de tonton Fabrice, pendant que son mari le rouait de coups. C'est tonton Fabrice qui me le dit, puisque j'étais aussi aux prises avec André et Sylvie qui, je l'avoue, me donnaient la bastonnade de ma vie. J'entendis un "Attaque", et l'instant d'après, André hurlait de douleur alors que l'énorme tête de Dragon était plantée dans sa clavicule, se secouant au rythme de l'agitation de sa proie. J'en profitai pour reprendre ma revanche sur Sylvie, à qui je décochai un crochet sournois qui l'envoya valser par-dessus le canapé dans son dos. Maman Linda hurla depuis l'extérieur, et c'est là que papa Rodrigue revint à l'intérieur pour se jeter sur Dragon, qui était maintenant en difficulté. Bien sûr, moi et tonton Fabrice ne les laissâmes pas molester notre chien sans rien faire, et la bagarre se transforma en mêlée générale sanglante, pendant que maman Linda s'efforçait de trainer Sylvie tout en essayant de la relever. Quand Sylvie reprit ses esprits près de la porte d'entrée, sans même s'être concertés, tous nos invités prirent les jambes à leur cou, coursés par Dragon. Ils ouvrirent la porte sans problème, et quand je les vit faire, je poussai un hurlement rageur en me tournant vers Loïc, qui filmait la scène depuis l'arrivée de Dragon depuis la fenêtre de la cour qui donnait sur le salon et la scène de bagarre. Il n'avait pas bloqué le portail comme je le lui avait demandé. Il haussa les épaules d'un air penaud, rangea son portable et sortit rappeler Dragon.
Une fois Loïc parti, le poids de ma fatigue meurtrie s'abattit sur moi et je m'affalai comme une masse sur le gazon, voyant les trente-six fois trente-six chandelles que je devais voir après tous les coups que j'avais reçus.
Ils nous portèrent plainte pour tentative de meurtre collectif. Nous nous étions bien préparés à toute attaque de leur part, et là où ils se plaignirent pour le guet-apens dans lequel je les avais placés, je portai plainte à mon tour pour préjudice moral. J'arguai qu'ils s'en étaient venus chez mon oncle en me prenant par surprise, mon oncle m'ayant soi-disant invité sans me dire qu'ils étaient là. La situation se compliqua et traina tant et si bien qu'André s'en retourna en mars pour la Belgique, une fois ses soins terminés. Du côté des Ngono, ils veulent se servir de cette affaire de meurtre collectif pour me mettre plus de pression afin d'accepter le remboursement de leur dot.
J'ai commencé une relation clandestine avec Kimy, qui s'occupa bien de moi durant ma convalescence consécutive à cette bagarre. Il y a une semaine, alors que Kimy vit avec moi depuis déjà deux mois, j'ai proposé aux Ngono de faire un transfert de dot. S'ils consentaient à accepter que ma dot versée était celle de Kimy tout compte fait, nous résolvions ensemble le problème de libération de dot de Sylvie.
Étrangement, ils refusèrent ma proposition, et papa Rodrigue manqua de prendre un AVC dans sa crise de colère pendant son coup de fil furibond à Kimy, qui le raccrocha au nez sous mon injonction. J'allais les laisser mariner encore quelque temps, histoire de voir combien de temps André supporterait cette situation ambiguë, une fois qu'on la lui rapporterait en Belgique.
Je n'ai plus rien à perdre, après tout. Et malgré mes nombreuses victoires de cette année-ci, j'ai encore beaucoup à gagner, dans cette histoire.

 

Fin



21/06/2023
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